Je pêche en Méditerranée

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Le Pont de La Corrège chapitre III

 

Chapitre III                                                                                   Yves Néel

 

En début d'après-midi, et en dépit des nombreuses recherches effectuées aux quatre coins de Port-Leucate, Ulysse n'avait toujours pas été récupéré.

On avait croisé beaucoup de gens à qui on avait posé d'innombrables questions, sans cependant obtenir de réponses satisfaisantes. Certains parlaient d'un chien noir, mais il était fort et haut sur pattes, d'autres avaient aperçu un chien errant, mais il était tâché de blanc, d'autres encore avaient rencontré des animaux à poils longs, à poils frisés, des marrons, des gris; bref, rien de rien ne correspondait à la morphologie d'Ulysse. La situation devenait alarmante !

Démoralisés, las d'avoir arpenté le bitume des heures entières, les deux cousins, soutenus par un ultime espoir, regagnèrent le Pont de la Corrège.

Le courant recommençait à pénétrer dans l'étang et une dizaine de pêcheurs était déjà collée à la grande grille, attendant le retour du poisson. Paul se précipita vers eux, gourmand de la moindre information concernant son chien.

Evidemment personne ne savait rien, personne n'avait rien constaté de spécial et d'ailleurs, tous étaient trop affairés à guetter les mouvements de l'eau, pour se soucier de la disparition d'un animal

Toutefois, en bout de quai, un homme âgé, tout courbé sans doute par les durs travaux de la vigne, le visage caché derrière l'épaisse fumée qui s'envolait de sa pipe, déclara"loin d'être réconfortant:

-Encore! Il doit y avoir quelque trafic avec ces chiens... Samedi dernier déjà"deux étrangers de l'Ariège ont cherché tout le jour leur berger allemand. Et le dimanche d'avant, une femme de Narbonne a manqué faire une crise de nerfs, parce qu'elle ne trouvait plus son caniche. Je vous le dis Monsieur ! ... C'est louche ça ! Si j'étais vous, j'irais chez les gendarmes.

Afin de ne pas contrarier Paul davantage, on continua à inspecter Port-Leucate de fond en comble, en voiture, à pied, hurlant çà et là le nom du chien, sifflant dans tous les coins et les recoins, revenant au pont, repartant en ville, et cela jusqu'à ce que la nuit fût noire complètement. Alors les deux hommes, effondrés, demeurèrent persuadés d'avoir tout entrepris pour retrouver Ulysse, mais néanmoins certains de ne jamais le revoir. Finalement, cette journée censée être une partie de plaisir, se soldait par un cauchemar absurde.

Peu après, à son domicile, Louis proposa à Paul de se restaurer un peu, ayant l'estomac vide depuis tôt le matin. Mais Paul s'y opposa" pressé de rentrer chez lui et trop malheureux pour avaler ne fût-ce qu'un verre d'eau .

Après le départ de son cousin, Louis retira les boîtes d'appâts de sa musette et les jeta violemment, dans la grande poubelle municipale se trouvant face à sa maison. Puis il ressassa , rumina cette affreuse catastrophe, sans manger, sans dormir de la nuit, affectant la malheureuse histoire à son irresponsabilité, rapportant tous les torts à son unique personne. L'idée de cette sortie de pêche émanait de sa propre initiative, et donc, sans complaisance, il se jugeait coupable.



02/05/2008
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